[dropcaps style=’2′]Mine de rien, Frogwares en est avec ce plus récent Sherlock Holmes : Crimes & Punishments à son septième épisode des aventures du célèbre détective imaginé par Arthur Conan Doyle, en plus de quatre autres spin-offs d’objets cachés développés par la filiale « casual » du studio. D’abord présentée sous forme de point’n click classique, la série a su se réinventer et se rafraîchir un peu depuis le précédent épisode, Le Testament de Sherlock Holmes, en se présentant sous forme de jeu d’aventure à la troisième personne, sorti par ailleurs sur Xbox360 dont l’adaptation a été laissée aux bons soins des français de Spiders. Un petit bouleversement apparaissant comme un petit virage vers la jouvence. En effet, Frogwares s’est décidé de montrer sa série d’enquête de façon plus accessible. Ce qui n’a pas – et n’est toujours pas maintenant – du goût des férus du genre. Et pourtant, s’ouvrir à un plus large public a dû lui réussir car on a l’occasion avec ce nouvel épisode de voir ce cher Sherlock investir plus de terrain puisque Crimes & Punishments se targue de sortir également sur la Playstation 3 et la Playstation 4 de Sony en plus du PC, Xbox360 et XboxOne de Microsoft. Y a pas à dire, exhiber ses 195 de QI en fumant sa pipe bien au chaud dans un petit appartement bourgeois de Baker Street, ça rapporte…[/dropcaps]
Même si j’avoue méconnaître beaucoup la série, je peux d’ores et déjà dire que cette nouvelle direction pour suivre un peu l’air du temps a vraiment été salvatrice pour la série. Car honnêtement, la vieille formule basée sur du point’n click rigide enrobé d’une narration aussi mollassonne et élitiste telle que ça a pu être présenté dans les vieux téléfilms adaptés du détective londonien – on pourra également citer ceux d’Hercule Poirot tant ils jouent dans la même cour – qu’on retrouve de temps à autres diffusés pour la énième fois entre deux épisodes de Derrick et Arabesque, m’avait tout sauf convaincue. Les racines de la série étaient peut-être parfaites pour convertir mamie et autres férus de vieille littérature policière qui s’essaieraient en douceur au jeu vidéo, les autres reconnaîtront que dans le style, on aura vu bien plus séduisant, quel que soit le degré de sérieux/grotesque recherché.
A l’inverse de ses grands grands frères et à l’image de son prédécesseur direct et testamentaire, les six enquêtes présentées ici se revêtissent d’un ton un peu plus léger. Fini les débauches et autres masturbations intellectuelles aussi inutiles que prétentieuses, le côté grand public donne un charme tel qu’on pourrait le voir dans les adaptations télévisuelles récentes (Sherlock, Elementary) sans toutefois être aussi jeune et fringant. Car le but de Frogwares n’est pas forcément de parler aux jeunes mais de garder un minimum de fidélité avec l’œuvre originelle de Sir Doyle. Et en cela, le pari est plutôt réussi tant Crimes & Punishments s’avère aussi digne et british qu’il est légèrement débraillé afin d’ouvrir son public. A l’image de la galerie de personnages et de ses principaux tels que Sherlock Holmes, son fidèle Watson ou encore Lestrade : ils ne se montrent pas sous les jours les plus pailletés, glamours et racoleurs tels qu’aime le faire l’actuel show business. Ce qui ne les empêche pas de faire preuve d’un charisme affirmé, notre héros tout particulièrement dont on appréciera beaucoup les fines répliques non dénuées d’humour qui contrebalancent les indispensables moments sérieux de logique cérébrale. Un bon point pour la narration allégée de codes bourgeois, mettant ainsi en avant le côté bohème du détective qu’on n’avait pas forcément dans le passé de la série. Les enquêtes sont de plus bien faites et intéressantes et le joueur n’aura aucun mal à s’immerger dans le jeu, même s’il pourra pester contre une ou deux affaires un poil trop expéditives par rapport à d’autres qui amenuisent la durée de vie à une petite quinzaine d’heures.
En terme de forme, l’utilisation de l’Unreal Engine 3 offre une esthétique honnête sans non plus atteindre des sommets. Mais au vue des cinq premiers épisodes de la série, il faut admettre qu’il y a eu du boulot d’abattu à ce niveau, un petit lifting plutôt salvateur tant on revient de loin. Bien qu’on sente des soucis d’optimisation dans l’adaptation sur Playstation 3, notamment en terme de ralentissements sur les zones étendues. Pas forcément agréable d’un point de vue confort mais pour un soft d’aventure, ce n’est pas non plus handicapant.
La mutation du point’n click en jeu d’aventure à la troisième personne est là encore plutôt salvatrice. Si ce n’est pas tant pour le PC que cela importe, il faut reconnaître que pour une configuration console, c’est une étape obligatoire afin d’optimiser le confort de jeu. Certes, les Français de Lexis Numérique ont prouvé avec Red Johnson’s Chronicles que le point’n click pouvait se jouer agréablement à la manette sous condition d’avoir un curseur relativement gros à balader sur des tableaux restreints. Ce qui n’est assurément pas le cas du parti-pris architectural de Sherlock Holmes : Crimes & Punishments où la configuration de déplacement basique au joystick du personnage sied bien mieux aux environnements 3D plus ou moins étendus. Bien qu’il serait appréciable de voir un peu plus de dynamisme dans le futur de la série en ce qui concerne le contrôle de Sherlock qui souffre de ce que j’appelle volontiers du syndrome du « balai dans le cul », pathologie malheureusement très (trop) fréquente dans le genre, comme a pu le prouver un L.A. Noire bénéficiant pourtant d’un budget autrement plus conséquent.
En terme d’interface, la vague grand public fait son boulot et tout a été simplifié au maximum pour servir le confort du joueur. N’étant plus un jeu de point’n click, on ne se coltine donc pas d’allers-retours fastidieux dans les menus – ce qui n’est pas si mal quand on se remémore de quelques cas passés comme la version Xbox360 de Gray Matter et ses horribles menus radiaux – et si il y a objet à ramasser ou autre possession de l’inventaire à faire interagir sur un élément extérieur, le jeu nous le proposera de lui-même sans qu’on n’ait rien d’autre à faire que de presser sur un seul bouton de validation. Les férus du genre trouveront le travail on ne peut plus mâché mais vu la place laissée à l’inventaire, il n’y avait pas besoin d’en faire davantage tant ça aurait alourdi l’ensemble, les choses à ramasser ou qui demandent interaction étant évidentes et souvent explicitement amenées. Car il en va sans dire que sur une empreinte de chaussure laissée au sol, vous utiliserez la botte trouvée dans le coffre de la cabane à côté pour en comparer les empreintes et non un harpon. Alors pourquoi aller obliger à aller sélectionner cette évidence, pour laquelle il ne faut pas être sorti d’une décennie à Saint-Cyr, aux tréfonds des menus alors que rien que le fait de revenir sur lesdites empreintes prouvent que vous savez très bien ce que vous faites ?
On pourrait croire que le jeu en deviendrait trop facile et trop assisté. Mais ce n’est clairement pas sur cet aspect que Crimes & Punishments joue pour vous faire tourner les méninges. Pour cela, il y a les phases de mini-jeux et casse-têtes. Plutôt variées, un brin obscurcies par quelques rares fautes de goût tenant plus du manque d’optimisation à la manette ou encore des moyens techniques. Je garde un souvenir ému d’une phase où l’on doit faire traverser Sherlock une simple corde tendue en utilisant les gâchettes L2 et R2 pour conserver l’équilibre sur lesquelles étaient prises en compte leur sensibilité de pression d’une façon peu convaincante. Ou bien encore une séquence de bras de fer où l’on se doit d’observer le visage de son adversaire afin de savoir quoi faire, en sachant qu’on n’est très loin d’atteindre avec le titre de Frogwares les prouesses techniques sur les faciès d’un L.A. Noire. Heureusement, les choix discutables se comptent sur les doigts d’une main et même si une partie se mènent avec une facilité déconcertante, d’autres pourront amener quelques cheveux blancs, les dernières phases de crochetage en tête. Tout en laissant la possibilité aux moins patients et/ou plus bêtes de continuer son aventure puisqu’il est possible de passer ces séquences après quelques essais infructueux, un libre-choix qui satisfera tout le monde.
Outre ces phases de mini-jeux/casse-têtes – un fait d’ailleurs dans l’air du temps au sein du style aventure/point’n click, un procédé qui a toujours existé mais est amené aujourd’hui d’une autre manière et avec plus d’abondance, un peu de la même manière que dans les jeux d’objets cachés souvent considérés comme casuals – on retrouve quelques petites QTE. Si on en retrouve une ou deux pour soutenir l’action, la plupart interviennent lors des phases de dialogues/interrogatoires avec les témoins/suspects. Plutôt inutile dans ce dernier cas puisqu’à part ne pas être devant sa console, il faut sacrément être mou du genou pour louper la simple pression de touche demandée. Et si par hasard, vous l’auriez loupé, vous aurez toujours la possibilité de relancer la ligne de dialogue qui l’amène. Si parler de QTE est peut-être un peu exagéré, vis-vis du contexte, le fait de présenter une petite différence est néanmoins cohérente. Intervenant toujours lorsque notre interlocuteur ment ou omet volontairement des détails, le procédé apparaît tel l’action « Présenter » dans un Ace Attorney où l’on devra choisir parmi les différentes propositions la meilleure afin de tirer les vers du nez à notre vil cachottier, sachant que la bonne repose surtout à partir d’une preuve préalablement trouvée ou encore de petits détails relevés sur l’apparence de notre témoin/suspect. Détails que l’on doit faire l’effort de rechercher en dressant un profil où l’on doit inspecter minutieusement de notre interlocuteur qui rappelle un peu une version figée les phases de remix de souvenirs de Remember Me. A l’instar de la gestion d’inventaire et autres interactions, rien de réellement compliqué dans ces phases de témoignages/interrogatoires somme toutes très linéaires.
Faussement linéaire par contre est l’écran de déduction directement hérité de l’épisode de Sherlock Holmes contre Arsène Lupin. Il s’agit de l’écran où vous pourrez lier les différentes composantes liées aux preuves/témoignages afin d’en arriver à des déductions logiques. Déductions qui se lient également entre elles afin de conduire à une conclusion et par conséquent, un coupable. Si le jeu semble brider énormément les manipulations que l’on peut faire avec les diverses propositions afin de créer sa petite toile neuronale, il n’en est pourtant rien. Crimes & Punishments permet à chacune de ses affaires d’en arriver à plusieurs coupables et il peut parfois être même très facile de se laisser duper à classer l’affaire en désignant un innocent. Car la logique est stricte mais ne fait pas tout. De même que le ressenti peut être hasardeux. Alors, même si le jeu nous laisse à un certain point de l’enquête manipuler les différentes déductions à notre guise histoire d’arriver à toutes les conclusions possibles – et il peut parfois y en avoir beaucoup plus qu’on pourrait bien le penser – il arrivera toujours ce moment où il faudra classer l’affaire avec une conclusion en particulier afin de passer à la suivante. Si au bout du compte, dans l’écran de statistique de fin d’affaire, on a la possibilité de voir si l’on a récupéré tous les indices présents et fait condamner la bonne personne, ce n’est nullement obligatoire et c’est au choix de chacun de vérifier ou non la véracité de sa décision.
Notons par ailleurs que le jeu laisse la possibilité de laisser le coupable dans la nature ou le livrer à la justice. Des choix moraux plutôt anecdotiques dans les conséquences, si ce n’est une fin d’enquête qui diffère quelque peu, Crimes & Punishments offrant pas mal de variantes de conclusions même s’il règne énormément de resucées très légèrement remaniées qui peuvent se jouer à une phrase près. La présence des choix moraux n’est pourtant pas si incongrue car si les conséquences pour les heures futures sont quasi-inexistantes, toutes les affaires de ce septième opus montre des crimes qui ne sont pas forcément tous noirs. Avec des coupables, malgré l’acte répréhensible, qui ne méritent pas forcément cet échafaud systématique que promet la justice du XIXème. Et correspond avec cette volonté de fidélisation de Frogwares de l’esprit originel d’un Sherlock Holmes excentrique qui a toujours révélé un sens de la justice toute personnelle et souvent en désaccord avec celle instaurée par les sphères législatives en place. De la même manière qu’il ne vouait aucune confiance aux forces de l’ordre comme l’a également très bien retranscrit le développeur à certains passages.
[section id= »conclusion » style= »border:1px solid white;padding:10px;overflow:auto;background-color:#00a0db;color:#FFFFFF; »]Au final, on passe un très bon moment avec ce Sherlock Holmes : Crimes & Punishments. Les férus d’aventure/point’n clik pourront pester face à ce virage grand public qui mâche beaucoup le travail et facilite beaucoup le jeu. Malgré tout, il faudrait être de mauvaise foi pour ne pas reconnaître que ce petit coup de jeune en rigueur depuis le précédent opus fait beaucoup de bien à une série au passé pas forcément convaincant en terme de narration et de rigidité de gameplay. Alors, même si les choses sont plus faciles aujourd’hui histoire d’ouvrir un peu son public, il faut quand même admettre que Frogswares met en place une recette plus efficace où son Sherlock Holmes n’a jamais paru aussi fidèle à l’esprit originel du personnage d’Arthur Conan Doyle, charismatique et vivant. Attention malgré tout à ne pas trop se reposer sur les lauriers car il reste néanmoins des choses à améliorer afin de se projeter en haut du panier, notamment une meilleure optimisation technique et de configuration manette pour les supports de salon.[/section]
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