Un brin convenu comme mise en bouche, on ne le niera pas. Le souci est que le reste du repas n’est pas spécialement plus goûtu en terme de rebondissements. Il n’y a pas à s’attendre à être surpris (allez, peut-être vers la fin, soyons gentils), on ne peut pas dire que le scénariste se soit beaucoup fatigué avant de prendre congé. Et à vrai dire, ce manque de recherche fait plutôt mal au cœur. Le lien entre le jeu vidéo et le cinéma ne date peut-être pas d’hier mais on ne peut pas dire qu’il était partagé. Même si les choses commencent à changer, il ne serait pas étonnant de voir des personnalités du cinéma se bidonner lorsqu’on aborde ce lien. Manquez d’inspiration pour un film et on vous rétorquera que « l’histoire ne vole pas plus haut qu’un jeu vidéo ». Vieille boutade très révélatrice d’un manque de respect de certaines parties du cinéma à l’encontre du monde vidéo-ludique alors que ce dernier lui voue un culte sans limite. Le dominé et dominant en somme. Les nouvelles technologies ont pourtant moyen de donner une crédibilité toute autre au jeu vidéo par rapport aux mauvaises langues du cinéma au point de leur en faire sortir du respect. Mais vraiment, ce n’est pas avec le genre d’arguments tendus par Drake’s Fortune pour se placer au même niveau qu’un film que le jeu vidéo se verra honoré de respect. Pourtant, les sentiers n’étaient pas si complexes : le cinéma d’action n’est pas foncièrement intelligent et profond en terme scénaristique, on pourrait au moins s’attendre d’un blockbuster vidéo-ludique d’arriver au même niveau. Eh bien non, on passe de la corpulence d’un King Kong à celle d’un Cheetah en un clin d’œil. Qu’on se le dise, Uncharted aurait été un film, nul doute qu’il aurait fait un bide dans les salles obscures et ce, malgré la grandiloquence de sa réalisation. Et peut-être que Georges Lucas aurait regardé ce pompage du pauvre avec un œil aussi amusé que regarder le version turque de Star Wars. Le souci, c’est que Drake’s Fortune est bien trop sérieux, on sent l’ambition derrière. Là où Turkish Star Wars faisait allègrement rire (vive la nanardise), Uncharted se retrouve voilé d’un caractère bien plus piteux.
Une surenchère gonflante
Si le scénario se laisse envahir par la platitude en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, cette malédiction s’étend malheureusement pour Uncharted un peu plus loin que cela. Pour un bon soft d’aventure, on attend de l’épique, d’autant plus aujourd’hui où les joueurs tendent à n’apprécier un jeu que s’il s’en prend plein les mirettes en terme purement esthétique (à noter que cela concerne plus la finesse graphique que le design) mais également d’action. Pour scotcher bien au fond du canapé, il faut ressortir tout l’attirail hollywoodien. En cela, Drake’s Fortune ne dénote pas à cette règle. Mais voilà, à vouloir trop en faire, la dimension épique perd de sa superbe. Autant la sauce déferlante d’action se tient lorsqu’on se fait éradiqueur d’extraterrestres, autant pour un aventurier avide de trésors, elle finit par virer au vinaigre. Le jeu souffre en effet d’un gros problème de rythme. Là où sur le papier, le gameplay hybride semblait apporter une variété dans les phases de jeu, la place laissée à chacune est tellement mal dosée qu’on a rapidement l’impression de passer son temps uniquement à tirer sur d’innombrables vagues d’ennemis, certes plus ou moins impressionnantes en terme de nombre et intensité, mais apportant vite un sentiment de lassitude au joueur. Les férus de TPS apprécieront. Toutefois, si l’on part du principe qu’il s’agit d’une véritable aventure, on sent tout de suite une légère aigreur stomacale remontant le long de l’œsophage.
La raison est toute simple : une véritable dimension épique, ça ne s’improvise pas. Il faut la choyer et savoir la mettre en valeur. Un déferlement quasi-continuel n’est qu’un vulgaire trompe-l’œil. Qu’y a-t-il d’épique à arriver devant une fusillade en te disant deux secondes avant : « tiens, ça sent les deux ou trois vagues d’ennemis cet endroit » ? Comment sentir l’adrénaline d’une dimension épique si l’on arrive avec l’entrain d’une limace sous forme de « Ah ouais… En voilà une… Encore… » ? Non, pour garder une forte intensité, il faut savoir aérer, pouvoir respirer. La technique du calme avant la tempête plutôt que celle de noyer le poisson sous risque d’overdose pure et simple. Là, qu’on se le dise bien, l’épique, on le ressent peut-être une heure, voire deux heures sur les huit, neuf heures que durent l’aventure. C’est plutôt léger, surtout pour un jeu qui se voulait court à cause de ce « caractère épique ». Là, Naughty Dog s’est tout de même montré d’une maladresse assez déplorable car ils avaient tous les outils en main afin d’instaurer plus d’aération dans leur propos. Plus de phases de plate-formes et d’énigmes pour remplacer les phases d’action superflues, un petit réagencement rapide de tout cela et l’affaire était dans le sac. Dommage mais le constat est là, même si le jeu est assez court, le côté répétitif est si présent qu’il peut en amener l’indifférence. Pire, il peut même, par moments, se révéler vraiment énervant – les diverses mauvaises gestions de l’IA aidant – au point de retirer tout caractère divertissant.
[section id= »conclusion » style= »border:1px solid white;padding:10px;overflow:auto;background-color:#00a0db;color:#FFFFFF; »]En tout cas, ce premier Uncharted prouve bien une chose : à l’instar du domaine du septième art, une réalisation dantesque suffit à créer le buzz dans le domaine vidéo-ludique. Après, c’est comme chez les Hommes, ce n’est pas parce qu’un individu a une belle gueule qu’on lui pardonnera le fait qu’il soit con. La vitrine technologique plaçant la barre de l’ambition très haute s’apparente plus comme une coquille vide qu’un véritable monstre intouchable. Certes, les défauts peuvent être tolérés mais de telles failles pour une production de ce gabarit ne rendent la déception que plus grande. Et c’est ainsi que l’amertume amène une appréciation certainement emprunte de mauvaise foi : Drake’s Fortune est un jeu tout juste moyen, ni plus ni moins.[/section]