[dropcaps style=’2′]Pokemon Go. Deux mots qui ont failli faire chavirer la planète jeu vidéo à l’été 2016, un jeu qui a renversé l’économie du jeu mobile à sa sortie. Aujourd’hui, plus rien ou presque. Paradoxe, le jeu créé à l’initiative de la Pokémon Company est toujours le roi en ce concerne les revenus reçus des utilisateurs. La réalité est qu’on en a parlé trop, trop tôt, au lieu d’observer les mécaniques de jeu sur la durée.
Comme vous le savez sûrement, Pokemon Go est un jeu en réalité augmentée dans lequel on peu simplement capturer des Pokemon en marchant. Les créatures apparaissent tous les 100/200 mètres et il suffit simplement de balancer une poké-ball pour les attraper. Ces poké-ball comme les autres objets sont fournis par des points appelés poké-stops situés sur au niveau des monuments ou de l’art urbain.[/dropcaps]
L’urbanité, c’est le premier problème de Pokémon Go. Si les poké-stops sont nombreux dans les centre-ville, au point qu’on doit régulièrement jeter les objets en trop, ils quasiment absents dans la ruralité comme dans la rurbanité. En Ile-de-France, aucun problème pour jouer de tout son soûl, mais dans l’arrière-pays marseillais par exemple, zéro ravitaillement. Niantic livre donc là un exemple rare, et un peu révoltant quelque part, de jeu dans lequel tous les joueurs ne sont pas égaux.
En termes d’élevage, il vous faudra beaucoup de patience et de bonnes jambes. Dans Pokémon Go, les pokémon n’ont pas de niveau : pour les faire évoluer, il faut collecter des bonbons propres à chacun. Chaque pokémon capturé donne 3 bonbons (et un de plus si on le relâche), et il vous en faut 25, 50 ou 125 pour avoir l’évolution finale. Cela demande plusieurs semaines, contre seulement quelques heures dans un épisode 3DS. Magicarpe nécessite lui carrément 400 bonbons pour évoluer en Léviator! Hallucinant, ridicule… Selon mes calculs, le mien devrait évoluer aux alentours de février 2017…
Pas mal des choses ont été faites depuis le lancement pour dynamiser le jeu sur ce plan. D’abord, on peut maintenant sélectionner un buddy en compagnie duquel on va marcher, ce sur quoi il ramassera un bonbon tous les 2,3 ou 5 kilomètres. Certes, à ce train là, ça remplit pas le monde de Léviators, mais ça aide. L’autre chose, c’est la densification drastique des apparitions de pokémons. Avant ce mois-ci, la fréquence d’apparition des pokémons étaient plus que moyenne. Pire, les ¾ des pokémons croisés étaient des Roucool, des Rattata et des Aspicot/Chenipan. C’était un peu comme si vous avanciez sur une looooongue route 2, à l’infini… On croisait un Ponyta toutes les trois semaines, on avait plus de chance de trouver un billet de 500€ par terre qu’un Goupix. Oui, c’était à devenir complètement fou. Heureusement, on croise maintenant beaucoup plus facilement des espèces auparavant très rares. Ceci dit, bonne chance pour avoir un Kabutops ou un Amonistar, les pokémon fossiles étant pour le coup quasiment éteints. Dans le même ordre d’idée, il est très difficile de renforcer un pokémon qui apparaît peu, comme Insécateur ou Ptera, car il faut beaucoup de bonbons supplémentaires.
Qui dit pokémon, dit bien sûr combat. Et là, Pokémon Go joue son coup de maître car c’est cela qui va faire rester les joueurs assidus. Les localités ont toutes une ou plusieurs arènes placées, comme les pokéstops, sur des lieux connus. Vous pouvez alors y aller, prendre l’arène et devenir (un des) champions. Si vous persévérez, vous pouvez être un des maîtres de la ville! Les joueurs sont divisés en 3 équipes : les rouges, les bleus et les jaunes. Quand vous prenez une arène, celle-ci prend la couleur de votre équipe et les joueurs alliés peuvent vous prêter main forte en augmentant le nombre de points, donc la défense de l’arène en y ajoutant des places libres pour d’autres dresseurs. A l’inverse, vaincre dans une arène concurrente en fait baisser le nombre de points. Quand le compteur arrive à zéro, l’arène redevient neutre et vous pouvez vous mettre dessus. La ligne prise Niantic au mois de novembre est de nouveau favorable aux attaquants : le nombre de points qu’on obtient en combattant dans une arène allié est faible et il faut donc jouer très longtemps, 15-30 minutes dans le froid hivernal, pour créer une place si aucune n’est libre. A l’inverse, on peut faire tomber une arène d’une autre couleur en très peu de temps.
Les combats en 1 contre 1, et comportent les forces & faiblesses héritées du jeu original. En revanche ici, chaque pokémon ne possède que deux attaques et pas quatre. Une faible (exécutée en tapotant l’écran du téléphone) et une forte (exécutée avec une pression longue), qui demande toutefois de remplir une jauge avec l’attaque de base. Le gros écueil avec les attaques, c’est qu’on ne peut pas les choisir : votre super Nidoking que vous avez mis 6 semaines à faire évoluer peut se retrouver avec des attaques toutes nazes. Tout simplement frustrant…
Le point important concerne les statistiques. Celles-ci sont représentées par des CP (points de combat) : plus un pokémon a de CP, plus il est puissant. On peut augmenter ces CP en utilisant des bonbons et de la Poussière d’Etoile (obtenue en faisant divers actions dans le jeu) mais le potentiel de croissance dépend des EV (sorte de potentiel latent) du pokémon. On retrouve donc cette quête de perfectionnisme, cette ascension vers la puissance qui caractérise la licence. C’est tout à fait jouissif lorsqu’enfin on touche au but, mais il faut pour ça capturer un pokémon de base avec de bons EV (ça peut donc prendre très longtemps si vous voulez combattre avec votre pokémon préféré), ou alors couver bien sagement des œufs.
C’est là que Pokémon Go est particulièrement sournois. Les pokémon sortis d’œufs ont tous d’excellents EV, rapportent entre 10 et 15 bonbons à chaque fois ainsi qu’une grosse quantité de Poussière d’Etoile. Mais voilà, hormis l’incubateur de base, tous les autres sont payants et cassent après 3 utilisations. Vous l’aurez deviné, Pokémon Go est pris en flagrant délit de pay to win, les joueurs investissant dans la boutique en ligne étant sûrs d’être plus puissants rapidement. D’autant plus que la prise d’une arène rapporte des pokecoins : les riches et les forts deviennent encore plus forts, les pauvres et les faibles sont écrasés. En Ile-de-France, les matchs d’arène tournent maintenant autour de 2000 CP. Impossible pour un utilisateur lambda de se placer, les maîtres de Pokémon Go forment désormais un club très fermé. La chute brutale de popularité du jeu, pourtant annoncé comme une révolution socio-économique d’ampleur mondiale, n’est pas à chercher ailleurs.