Short Peace (ショート・ピース) est le projet un peu fou d’un homme décidé à montrer la diversité de l’animation aux yeux du monde. Cet homme n’est autre que Katsuhiro Otomo, le père, entre autres, d’Akira et Memories. Il réunit autour de lui quatre autres grands noms de l’animation japonaise et du jeu vidéo : Shuhei Morita (Tokyo Ghoul), Hiroaki Ando (Steamboy, Five numbers!), Hajime Katoki (de multiples séries de Gundam et les jeux vidéo Super Robot Taisen) et Yohei Kataoka (Tokyo Jungle). Une envie commune les a réunis: faire montre de leur talent au monde entier, et par extension, du savoir-faire japonais.
Ils réalisent donc une œuvre chacun, quatre courts-métrages animés produits par le mythique studio Sunrise ainsi qu’un jeu-vidéo dirigé par Yohei Kataoka avec l’aide de Crispy’s! et Grasshopper Manufacture au développement. Lieu indispensable des récits : le Japon. Ils s’entendent même pour ne pas présenter le pays sous le même angle. Il est même voulu de montrer des époques différentes. Les quatre animes ont été projetés pour la première fois en France aux Utopiales 2014, tandis que le jeu fût disponible en Europe et en exclusivité sur PlayStation 3 la même année, et livré avec les dits animes.
A noter, et ce avant de débuter le présent article hybride, que l’introduction de Short Peace est supervisée par Koji Morimoto, qui a notamment dirigé l’animation d’Akira, différents segments pour les omnibus Memories, Robot Carnival et Animatrix, ainsi que le magnifique clip, techniquement avant-gardiste, violent et psychédélique au possible, qui illustre la piste « Extra » du musicien électronique Ken Ishii.
Possessions
Avis de Margoth
Voilà le seul épisode qui allie traditionnel pour son fond et modernité pour sa forme (à l’inverse de A Farewell To Weapons). Difficile de vraiment émettre une opinion tant l’incursion de la 3D dans l’animation japonaise est une question de goût. Qui n’est pas spécialement du mien. Et comme cet aspect est omniprésent, mes yeux en ont pris pour leur grade même s’il faut reconnaître que techniquement parlant, le rendu est plus que propre et honorable. Et c’est bien là le seul bémol de vieille conne nostalgique que je puisse lui faire car la représentation traditionnelle de ce Japon, tout en finesse et poésie, où ce randonneur se voit perdu dans un rêve chimérique peuplé d’esprits, se laisse regarder avec une facilité déconcertante. Au point d’être touché par ce héros bonne poire difficilement perturbable et toujours docile face à des entités qui ne lui veulent pas forcément de bien.
Avis de Vidok
Nous suivons la nuit d’un voyageur trouvant refuge dans un ancien sanctuaire. L’étranger va alors être pris dans une folie à mi-chemin entre le réel et l’hallucination, une corde raide sur laquelle les meilleurs funambules restent les japonais. Alliant dessin traditionnel et 3D dernier cri, Possessions est un bijou technique. Les étranges êtres du sanctuaire sont de plus formidablement animés, tandis que les ruptures sont intelligemment amenées, au point d’amuser le spectateur. De l’humour très subtilement distillé pour un fond nous rappelant le respect japonais.
Combustible
Avis de Margoth
On revient à un esthétisme qui me parle bien plus. A bien des égards, cette approche traditionnelle du dessin teinté d’effet d’estampe m’a fait penser à la patte Ōkami, le côté coloré en moins. Nous voici cette fois face à une histoire d’amour entre deux êtres qui se connaissent depuis leur plus tendre enfance… Jusqu’au jour où les idéaux de l’un fait résulter le fantasme de l’autre, résultant sur un dénouement fort tragique. Là encore, le vieux Japon féodal prime, même s’il s’agit plus des valeurs familiales traditionnelles qui sont mises en lumière, autre aspect fort important de la culture de ce pays. Point d’esprit, ni de croyance qui viennent s’interposer, on a donc là affaire à quelque chose de plus terre-à-terre, ce qui ne le rend que plus grave dans sa finalité. Là encore, un très bon travail, tant sur le plan visuel que scénaristique où les deux s’allient avec énormément de cohérence.
Avis de Vidok
Nous voilà partis dans un japon féodal, en pleine ville, pour suivre une tragédie romantique. Une jeune fille asservie et un jeune garçon passionné par le feu, tellement qu’il décide de devenir pompier. Deux destins que ne rien ne rapproche, mis à part peut-être la distance entre leurs lieux de vie. Et ce jusqu’à ce qu’un gigantesque incendie ravage la ville. Évidemment, la fin, guère heureuse, rappelle les conditions de vie particulièrement difficiles de certaines castes de la population nippone de cette époque. Un anime très joliment réalisé, requérant de lire entre les lignes pour cerner l’histoire complète, tout est en suggestion, obligation induite par le format. Bel anime mais au propos excessivement sérieux.
Gambo
Avis de Margoth
Retour à une vision moins réaliste et plus spirituelle avec la représentation des esprits. Sous forme bestiale et animale, faisant écho à une sorte de Princesse Mononoké où un esprit de la nature (ici, un ours nommé Gambo) se bat contre un démon pour protéger une jeune fille qui jusque là était la seule à avoir échapper au kidnapping de tous les êtres féminins du village avoisinant la forêt par le démon qui y a élu domicile. Visuellement, on est ramené à des choses bien plus conventionnelles de l’animation japonaise, sans 3D ni aucun autre parti-pris d’originalité. Mais qui reste toujours fort efficace pour les yeux. Certainement le chapitre le plus facile à appréhender, toujours dans une vision passéiste du Japon où les projecteurs mettent en lumière l’harmonie entre la nature et l’humanité, et celui que j’ai préféré du lot.
Avis de Vidok
Un démon kidnappe les filles d’un petit village de montagnes pour enfanter sa descendance. Devant l’abandon des adultes, une enfant se risque à demander son aide à un gigantesque ours blanc, Gambo. Ours chassé en parallèle. Pourtant, il se précipitera jusqu’à l’antre du monstre pour le détruire, définitivement. S’en suit un combat titanesque, formidablement mis en scène et d’une violence inouïe. Cet anime est l’un des plus crus visuellement, avec de petites filles enceintes et nues, et un propos extrêmement dur. Cette intrusion dans le monde de la pédophilie dérange, tandis que l’intervention de l’ours impressionne. Ce gigantesque être – bien que ne valant pas le démon – dont le combat est perdu d’avance émeut. Un très bel anime, hérissant et rappelant le lien entre le Japon et la nature qui se doit d’être conservé, cette dernière étant capable de protéger ses habitants.
A Farewell to Weapons
Avis de Margoth
Peut-être une façon indirecte de boucler la boucle en prenant l’inverse-même de Possession dans son approche, à savoir mettre en scène un Japon moderne, post-apocalyptique, avec un visuel aussi conventionnel que Gambo. Ce chapitre est le plus réaliste et le plus grave du lot, nous ramenant à une réalité que l’on ne connaît que trop bien : la guerre et la technologie. Ou plus précisément une vision des conséquences qui peuvent en découler. Et à l’image d’œuvres comme Mad Max, elles sont très loin d’être belles. L’humain semble être revenu à une condition minimale, faible et sans défense face à ses propres créations trop perfectionnées qu’ils semblent avoir le plus grand mal à contrôler au sein d’une ville fantôme désertique, vestiges d’une guerre où la technologie a laissé bien des gardes du corps puissants et dangereux. En découle les tribulations de ce régiment de l’armée qui a grand peine à s’en sortir, périssant même les uns après les autres jusqu’au dernier. Où celui-ci découvre que l’attaque n’est pas la meilleure défense. Bien au contraire. Même si c’est l’épisode que j’ai le moins apprécié, me sentant généralement plus proche des représentations plus féodales et traditionnelles de la culture japonaise, on ne peut que se sentir touché du sujet qui nous parle d’un sujet très actuel, ainsi que partager cette invitation au pacifisme et à la prudence quant à la technologie.
Avis de Vidok
Le plus long des anime et de loin celui qui semble le plus moderne. La raison première, en plus des techniques dernier cri utilisées, tient dans son déroulement futuriste. Le Japon est recouvert de sable. L’action prend part près d’un Tokyo ravagé. Une petite troupe de survivants lourdement armés, tentent d’extirper de la ville ses dernières ressources quand elle doit faire face à un drone de combat toujours en activité. Féroces batailles, tirs, explosions. A Farewell to Weapons nous montre les dégâts des armes : son titre était déjà un indice sur l’orientation du message. Petite troupe quelconque au départ, elle devient très vite un sujet à attachement de la part du spectateur. Chaque protagoniste dispose de sa propre psychologie et tics de langage. Autant dire que la tristesse prend le pas lors des évidentes pertes. La fin de l’anime, incroyable, achève d’une fort belle manière cet hymne au désarmement.