« Esprit japonais, technique occidentale ». Compile Heart semble reprendre à son compte le vieux dicton de l’ère Meiji avec Super Neptunia RPG. En effet, si la série est toujours pilotée par la productrice Mizuno, le développement de ce spin-off en 2D a été confié au développeur canadien Artisan. Après plusieurs épisodes qui tournent en rond et un Cyberdimension Neptunia absolument lamentable en 2017, l’inspiration occidentale avait fort à faire pour remettre la série dans la bonne direction.
La première chose qui frappe dans Super Neptunia RPG, c’est évidemment style graphique comme on avait jamais vu auparavant dans la série. Le Neptunia version canadienne montre des arrière-plan en 2D plutôt esthétique, un peu à la manière d’un Child of Light. On sent que les villes ont fait l’objet d’un effort de design, et c’est la première fois d’ailleurs qu’on a des villes en bonne et due forme dans la série. Les modèles 2D sont assez cools et ont tout un tas de petites mimiques rigolotes. Sur la forme, cette nouvelle formule est plutôt agréable surtout que les musiques elles-aussi sont renouvelées avec des thèmes plus proches du JRPG classique. On entend même des morceaux rappelant Final Fantasy Tactics ou Valkyria Chronicles, ce qui illustre bien l’amour qu’à le studio pour l’âge d’or du JRPG.
La refonte a aussi ses limites, comme dans les intérieurs ou les PNJ qui se ressemblent beaucoup. Le trio de méchants manque aussi beaucoup de conviction, leurs voix japonaises ne sont pas formidables non plus. Ce n’est hélas pas encore pour cette fois qu’on aura des antagonistes du niveau de ceux de Hyperdimension Neptunia ReBirth2, qui étaient les plus marrants et de loin. Une autre chose qui fera tiquer les habitués de la série, c’est l’impossibilité de changer de personnage sur la carte comme c’est le cas traditionnellement. Gageons que les fans de Noire seront très déçus.
Dans Super Neptunia RPG, pas de jaloux, tout le monde a perdu la mémoire! Neptune se réveille à Lastation, et découvre une ville et un monde dirigé par une mystérieuse faction appelée Silkworm. Très vite, celle-ci tombera sur Noire, Blanc et Vert et toutes les quatre s’allieront pour résister à la tyrannie de Silkworm et retrouver leurs souvenirs.
L’avantage de ce pitch, c’est que l’on retrouve un humour et des situations assez proches des premiers épisodes de la série puisque les personnages se « redécouvrent » les uns les autres. Les dialogues sont vraiment excellents et l’humour sublimé par le talent toujours intact des doubleuses historiques comme Rie Tanaka ou Asami Imai. Les scènes et événements dans ou hors de l’histoire principale sont savoureux et là encore reviennent aux fondamentaux de la série.
La narration en elle-même est pas mal non plus, car elle part du postulat que Planeptune a disparu. Donc le joueur, en même temps que les personnages, retrace le court des événements qui ont mené à la fin du monde de Neptunia tel qu’on le connait et c’est plutôt prenant. Toujours dans le lien avec les premiers épisodes, le personnage de Chrom rappellera des souvenirs à ceux qui on vu la true end de Hyperdimension Neptunia ReBirth1.
En termes de progression, la production de Compile Heart contient une dizaine de zones & donjons à traverser au cours de l’histoire. Rien d’extraodinaire à signaler en la matière, si ce n’est quelques rares phases de plateforme pure, dont un peu corsée étant donné la rareté des checkpoints. On est également amené à revenir dans ces donjons et les villes pour trouver toutes les quêtes annexes, objets ou boss cachés. Cela augmente la durée de vie du titre pour les chasseurs de trophées.
Super Neptunia RPG a beaucoup été comparé à Valkyrie Profile pour son système de combat extrêmement similaire. Alors, pour ceux qui espéraient voir un Valkyrie Profile dans l’univers, il va falloir qu’ils réduisent leurs attentes de beaucoup… Certes, chaque personnage est assigné à un des boutons comme dans le hit de Square, mais les sensations de combats ne sont vraiment pas les mêmes. Alors que les assauts dans Valkyrie Profile sont fluides et dynamiques à tout instant, les attaques dans Super Neptunia RPG souffrent d’une latence assez abominable. Il faut parfois plusieurs secondes entre la pression sur la touche et l’action dans le jeu, sans compter les incessantes interruptions des ennemis. On regrettera également l’extrême pauvreté des animations : le choix de la 2D n’excuse pas un rendu technique digne d’un jeu smartphone de moyenne game.
C’est erratique, c’est peu précis et cela peu difficilement constituer un bon système de jeu malgré la structure honnête de l’ensemble. En effet, il est possible de programmer les capacités par bouton et par personnage : Neptune et les autres déesses peuvent par exemple attaquer physiquement avec carré, soigner sur triangle et lancer une autre magie quand elles sont sur rond ou croix. Le choix est libre et vaste, L1 et R1 servant à permuter les alliés dans le sens (ou le sens inverse) des aiguilles d’une montre. Par exemple, si Noire est sur carré, elle passe sur triangle en appuyant sur R1, puis sur rond, et ainsi de suite. C’était une bonne idée sur le papier mais la encore la latence rend la coordination des stratégies pénible.
L’autre aspect du titre qui ruine les bonnes intentions du gameplay est sa facilité globale. Compléter régulièrement des quêtes annexes rend les personnages tellement forts que la difficulté baisse au fur et à mesure de la progression. Les capacités passives s’apprennent comme dans Final Fantasy IX, c’est-à-dire en s’équipant de nouvelles armes et armures. Le souci est que certaines sont beaucoup trop puissantes. On pense en particulier à Autorécup, qui justement comme dans FFIX déséquilibre le challenge, mais en pire! Même le boss de fin n’est pas arrivé pas à faire des dégâts suffisants pour mettre en danger l’équipe…
On n’est du coup pas étonné du report du jeu, puisqu’il restait manifestement des ajustements à faire à la sortie de Super Neptunia RPG au Japon fin décembre 2018. Entre autres choses assez gênantes, la latence s’applique bizarrement aussi aux menus de jeu : le curseur bouge une demi-seconde après avoir appuyé sur la touche de direction. Ca n’a l’air de rien comme ça mais c’est assez usant. On constate également pas mal de ralentissements pendant les combats. Surprenant venant d’un titre en 2D a priori peu gourmand en ressources, on imagine à peine ce que ça donnerait sur une machine moins puissante…
L’autre symptôme du manque de finition du titre, ce sont les bugs : par deux fois les commandes ont brusquement arrêté de répondre, obligeant à relancer le jeu. Il y a eu aussi des tirades qui ne correspondent pas au texte, des PNJ placés au mauvais endroit, des instructions erronées dans certaines quêtes… Compile Heart a annoncé avoir corrigé une grande partie de ces problèmes fin février, soit deux mois après la mise en rayon. Un manque de sérieux difficilement excusable de la part de l’éditeur.
Peu abouti techniquement, ce dernier Neptunia est un RPG dans le fond assez limité qui justifie diffcilement le prix fort sur console. Plutôt divertissant sur le plan purement narratif et artistique, Super Neptunia RPG est juste un titre super mal optimisé tant dans la technique que dans le gameplay. Il se destine uniquement aux fans incondtionnels de la série qui seraient prêts à passer outre ses nombreux défauts pour retrouver l’ambiance des premiers épisodes dans une nouvelle perspective.