Yomawari Night Alone

yomawari[dropcaps style=’2′]La peur. Sentiment négatif, et pourtant le public la recherche. Nippon Ichi Software sent bien cette demande des joueurs pour des univers noirs et malsains. C’est ainsi qu’après The Firefly Diary, le côté «obscur» du développeur japonais refait surface pour plus d’angoisse sur la portable de Sony avec Yomawari Night Alone.

Il ne faut pas longtemps pour entrer dans l’ambiance de Yomawari Night Alone : le tutoriel violent installe l’atmosphère glaciale en une demi-seconde. La petite fille que vous incarnez perd son chien et décide aussitôt d’aller le chercher, en pleine nuit.

D’apparence, la ville de Yomawari Night Alone ressemble à n’importe quelle ville japonaise de nuit, sauf qu’elle est infestée de yôkai, pas gentils, ceux-là. En effet, contrairement aux créatures toute mignonnes de Level-5, un seul contact avec ces revenants et la pauvre gamine crèvera dans une mare de sang. Inquiétants, effrayants ou repoussants, la quarantaine de monstres différents présents dans l’aventure provoquent l’angoisse par leur comportement imprévisible et leurs mouvements erratiques. Certains apparaîtront sans crier gare, provoquant d’énormes sursaut de terreur chez le joueur. D’autres sont largement plus prévisibles et plus lents, mais la petite fille ne peut pas courir très longtemps. Elle se fatigue vite, et d’autant plus rapidement qu’elle prend peur : ses battements de cœur accélèrent et provoque la panique à mesure que le yôkai s’approche de vous. Les buissons vous seront d’une grande aide dans ces cas-là, car la petite fille peut s’y dissimuler un peu comme Solid Snake rentrerait dans son fameux carton. Un grand nombre de poursuites se jouent à un cheveu, on voit la mort approcher et on est pris de convulsions quand malheureusement elle intervient.[/dropcaps]

yomawari-muchifusagiSi la plupart des yôkai sont mortels, tous ne sont pas dangereux. Certains sont totalement inoffensifs, mais se distinguent par un comportement pas moins inquiétant que les autres, participant à la sensation d’angoisse permanente provoquée par le jeu de Nippon Ichi Software. Et cela n’enlève évidemment rien à la manière avec laquelle la jeune fille sera enlevée ou sauvagement tuée par des esprits malsains. Une vision volontairement noire héritée de The Firefly Diary et qui sera reprise dans Rose and the Castle of Twilight.

L’atmosphère de Yomawari Night Alone est son plus gros point fort. Tout le jeu se déroule dans la nuit noire, avec pour seule aide la torche qui servira à éclairer son chemin et à repérer les spectres invisibles. Les rares musiques sont des thèmes extrêmement lourds, aux accents froids et oppressant. Mais le jeu de Nippon Ichi Software va privilégier une piste particulière dans sa sélection : le silence. Comme dans une nuit d’été japonaise, vous avancez avec le seul son des grillons. C’est la meilleure façon pour le développeur d’atteindre son objectif : faire renaître vos peurs d’enfant. Comme dans la réelle peur du noir, l’absence de toute musicalité aiguise l’ouïe et provoque la tension.

yomawari-centipede1A ceci, Yomawari Night Alone ajoute de nombreux éléments graphiques ou sonores ici et là venant augmenter le stress, comme des sonneries de téléphone inopinées ou des inscriptions lugubres. L’effroi est également catalysé par des événements surprise se déroulant sur la carte ou plus généralement lors des phases de boss. On ne les décrira bien sûr pas ici pour éviter de gâcher le plaisir de la découverte mais… ne répondez pas au téléphone. Prenant toute sa puissance dans la peur de l’inconnu et la noirceur de son univers, Yomawari Night Alone est à consommer la nuit, avec un casque, lumière éteinte et volets fermés.

A l’opposé de ses penchants horrifiques, le design général du jeu est plutôt enfantin. Les personnages paraissent sortir tout droit d’un livre d’image pour enfant, et le menu ainsi que la carte de la ville semble avoir été dessiné par un élève de maternelle. De plus, en version japonaise, toutes les textes sont en hiragana : il n’y a pas un seul kanji, comme s’ils avaient été écrit pour ou par un élève ne maîtrisant pas ces idéogrammes. On pourrait croire que le développeur souhaite adoucir l’aventure avec une touche de kawaii, mais c’est tout l’inverse. L’opposition des deux styles renforce le dégoût des yôkai, le stress de la défaite et le satisfaction de finir le jeu. Yomawari Night Alone ne serait certainement pas le même si le héros était un haltérophile de 100kg! De sa 3D isométrique très simple (qui lui vaut parfois d’atterrir dans les colonnes indé des magazines japonais), Yomawari Night Alone arrive a communiquer des sentiments simples mais forts avec juste quelques scènes tout au long du jeu. Nippon Ichi Software joue avec les sentiments et les nerfs du joueur de la première à la dernière seconde avec un brio impressionnant pour un jeu aussi modeste.

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Cela pourra peut-être surprendre, mais Yomawari Night Alone est un monde ouvert. Certes, on est loin d’une ville grandeur nature comme le ferait un Watchdogs, mais le principe du jeu veut que le joueur puisse aller librement dans la ville dès le point de départ. Les indices sont rares et il faudra explorer chaque coin de rue pour trouver les objets-clé nécessaires à l’avancée, ou tout simplement se frayer un chemin vers les zones reculées. La carte se dessine au fur et à mesure, si bien qu’il y a un gros travail d’exploration et de recherche (à haut risque) pour appréhender la géographie urbaine. Cette absence de dirigisme renforce son côté hardcore et plaira aux amateurs de jeux d’aventure de la vielle époque.

Heureusement, vous pourrez sauvegarder auprès de statues bouddhistes présentes à intervalles réguliers, qui servent aussi de raccourcis pour éviter de reparcourir toute la ville. Attention cependant, chaque sauvegarde coûte une offrande de 10 yens, donc celles-ci sont potentiellement limitées! Le jeu stimule également la réflexion, avec des énigmes dans plusieurs chapitres, et un travail d’observation pour échapper aux différents monstres. En effet, chaque yôkai a un comportement propre et les éviter nécessite parfois une approche particulière, en utilisant la lampe ou d’autres objets d’une manière originale. On pestera sans doute contre la jouabilité un peu millimétrée, symptôme d’un die and retry de la vieille époque, mais c’est largement plus jouable que The Firefly Diary en son temps. Son seul vrai défaut est sa faible longueur, 10 à 15 heures de jeu en explorant lentement.