Auditoire : Vu le nombre de jeux qui sont sortis dernièrement, quels sont vos gros coups de cœur ?
EC : Pixel blanc sur fond noir… (rires). Personnellement, c’est beaucoup de jeux sur iPad. Des jeux conceptuels, comme Osmos, Sword and Sworcery, … Je viens de découvrir Osmos mais il était sorti sur PC et MAC il y a de cela plus d’un an. C’est vraiment un bon jeu comme je les aime avec un système unique. Il y aussi les gros jeux, comme les Uncharted, mais auxquels je n’ai pas encore joué. Après, le problème tient dans le temps qu’il faut passer sur les jeux.
Auditoire : On imagine que les créateurs n’ont pas beaucoup de temps pour jouer.
EC : Si, si mais le truc, pour un genre donné, on connaît toutes les ficelles. Du coup, on n’a pas forcément envie de le jouer.
JR : Certains jeux, on sait comment ils fonctionnent. Donc on n’a pas forcément envie d’aller plus loin. Ma dernière bonne surprise en terme de RPG, c’est The Witcher 2. Là vraiment, un vrai plaisir de jeu. Beaucoup plus que le dernier Bioware, les derniers Bioware même. J’arrive quand même à reprendre plaisir à jouer à ce genre de jeux, mais cela reste assez ponctuel. On finit par avoir un regard analytique un peu blasé sur les jeux auxquels on est habitué. Par contre, je suis très gourmande de jeux très différents, comme From Dust, pour te rendre hommage Eric (rires), où ce n’est pas du tout le genre de gameplay vers ce que, moi, je tends, qui ne sont pas du tout ce que je fais mais qui sont extrêmement rafraichissants.
Archaïc : Qu’est-ce qui ne vous a pas plu dans les derniers Bioware ?
JR : Dragon Age 2, déjà je ne vais pas m’éterniser sur le carnage. Mass Effect 2 a une bonne narration. Il y a de très bonnes choses. Il y a une qualité de réalisation qui est effectivement difficile à critiquer. Mais c’est un jeu qui n’étonne plus. Cela fait des années que Bioware fait les mêmes choses. Avec plus ou moins d’action. Il y a des micro-changements dans une recette qui n’évolue plus. J’ai l’impression de regarder des films hollywoodiens à la pelle et ça m’ennuie. Ce n’est pas ce que je cherche dans le jeu vidéo.
Archaic : Donc le problème tient dans la mise en scène et l’univers ?
JR : L’univers, c’est du Star Wars. C’était bien la peine de se libérer de la licence KOTOR. J’aurais préféré qu’ils fassent un vrai KOTOR 3 plutôt que Mass Effect. En plus, ils ont perdu au niveau de l’histoire qui était meilleure dans KOTOR. Ça a du charme mais on connaît. Pour Dragon Age, ils ont pris la licence Donjons et Dragons et c’est tout. Il fut un temps ils s’étaient lancés dans des univers plus barrés. Les jeux n’étaient pas forcément bons mais ça me plaisait davantage. Comme Lionheart. Maintenant, c’est lassant.
Archaïc : Lorsque nous faisons Faery, on a l’impression que vous vous êtes un peu inspirée de Bioware ? Au niveau des dialogues.
JR : Plus le RPG japonais, vu que c’est du tour par tour. Au niveau des dialogues, peut-être. Même si les dialogues aux choix multiples, c’est quelque chose qui existe depuis très longtemps. Mais attention, je ne critique pas Bioware depuis son existence, juste depuis quelques jeux.
Auditoire : Encore des suites… De nos jours, on ne parle que de suites de suites. Même les Uncharted. Le problème aujourd’hui est de se demander si on peut encore créer quelque chose de super original.
EC : Il y a moyen. Après, il faut qu’il y ait les moyens financiers. Le moyen de production et le moyen de diffusion.
Auditoire : Pour rester sur le sujet du RPG, ceux-ci exploitent encore et toujours l’univers de Donjons et Dragons, eux-mêmes basés sur l’œuvre de Tolkien. Ne pourraient-ils pas exploiter d’autres univers ? Sur d’autres mythologies ? En s’inspirant sur les folklores populaires…
JR : Déjà fait. Faery est justement un jeu basé sur les contes et légendes. C’est resté un petit jeu car les éditeurs ne sont pas prêts à prendre de risques pour diffuser ce genre de titres. Eric, tu as du entendre ça des milliers de fois. « On en a marre de voir toujours la même chose, le même univers ». Je suis complètement d’accord. Mais on ne peut pas toujours vendre de l’inédit. Eric peut-être car il a une assise qui lui permet peut-être d’être plus crédible auprès des éditeurs que je ne le suis…
EC : Et encore ce n’est pas simple !
JR : Oui, j’imagine. Pour en revenir à Mars, pourquoi on l’auto-édite ? Car c’est un univers qui est trop bizarre et que les éditeurs nous ont tous dit « Non, on ne veut pas prendre le risque ». C’est tout.
EC : Le milieu éditorial est très conservateur.
JR : Si un jeu marche, effectivement, ils veulent poursuivre, et là il faut faire un 2, un 3.
Archaïc : Une suite de prévue pour Faery ?
JR : En fait, il y avait deux autres volets de prévus. Ils étaient même écrits. Contrairement à beaucoup de gens qui promettent, et qui ne font pas ; mais notre éditeur ne nous a pas suivi. Et comme il a les droits sur l’univers, on ne peut pas continuer l’histoire. Un jour peut-être. Tout était prévu…
Faery Legends of Avalon est un RPG, paru sur Xbox Live Arcade et Playstation Network, dans un univers inspiré de multiples folklores européens. Il nous met dans la peau d’un féérique devant sauver l’île d’Avalon au nom du roi Obéron. Malgré son système de combat extrêmement classique, le jeu se distingue par son univers graphique en décalage de ce qui se fait habituellement dans le genre.
Pour davantage de détails, n’hésitez pas à consulter la critique complète de Faery.
Archaïc : Le jeu a insuffisamment marché ?
JR : Il a suffisamment marché pour qu’il soit rentable. Cela me va très bien car il faut bien que les sous rentrent aussi. Mais bon, je pense que pour l’éditeur, en guise de ligne éditoriale, ce n’est pas ce qu’il désire présenter. Il va plutôt aller vers le gamer, avec des univers plus matures. Il n’a pas voulu aller plus loin dans l’aventure. Faery, sans être une méga réussite, s’est correctement vendu bien que disposant d’un support marketing moindre que celui des gros jeux du marché.
EC : Pour créer quelque chose d’original, c’est vrai que ça coûte cher, déjà. On peut créer des choses très simples, très minimalistes. On peut faire des choix encouragés par les très petits budgets. Le dématérialisé va justement dans cette direction, mais les développements peuvent être également très chers.
JR : En terme de distribution, ce ne sont pas les mêmes parts qui nous sont reversées. Pourtant, souvent, les joueurs râlent contre le dématérialisé. Deux raisons : le côté DLC. Ce que je peux comprendre, même si je ne suis pas trop concernée car ce n’est pas ma boutique d’en faire. La deuxième raison : le côté matérialiste et la disparition des boîtes. Mais il faut savoir que les montants qui nous sont reversés n’ont rien à avoir avec ceux des jeux en boîte. Effectivement, on peut prendre des risques en dématérialisé qu’on ne peut pas prendre en boîte.
EC : La répartition, c’est 70 – 30. 70% pour l’éditeur et les développeurs.
JR : Enfin s’il en reste pour le développeur…
EC : Voilà, et en distribution classique, ce n’est plus que 50%.
JR : Oui, il faut enlever la TVA, qui est encore à 19,6%. Il faut ensuite enlever la part des magasins, la part des distributeurs. Il ne reste plus grand-chose, d’autant qu’il faut également en reverser au consolier. Sur un jeu à 70%, moins la TVA, on arrive vers 58-60.
EC : Il faut savoir qu’elle est également présente sur le dématérialisé.
JR : Oui, mais les gens oublient souvent de l’enlever de la base de calcul. Sur 70€, si l’éditeur reçoit 20€, il est plutôt content. Et dessus, il en reverse 3-4 au développeur. On s’intéresse donc à d’autres supports, pas seulement pour ces raisons là, mais ça joue beaucoup.
EC : Il faudrait trouver des investisseurs qui pourraient donner carte blanche mais là… (rires)
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