– Archaic : Bonjour messieurs, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
– H.H. : Je suis Hazem Hawash, le chef de projet du jeu vidéo Shiness. J’ai une formation web et je fais ici mon premier jeu vidéo. J’ai rencontré Samir il y a quelques années. Il m’a fait lire son manga et m’a fortement donné envie d’en faire un jeu. On s’est alors embarqué dans cette aventure totalement dingue de faire un jeu vidéo. C’était dans un premier temps après nos horaires de travail et puis, quand on a vu que le projet commençait être populaire auprès du public, on s’est dit qu’il y avait peut-être une occasion de se professionnaliser.
– S.B. : Ça, c’est de la présentation, je vais faire un peu plus court : Samir Rebib. Je suis l’auteur du manga Shiness et le directeur artistique du jeu vidéo. Shiness est une bande dessinée que je dessine depuis tout gamin. Depuis que je sais tenir un crayon, je dessine Chado, le héros de Shiness. J’ai grandi avec des jeux RPG sur Super Nintendo – les Final Fantasy, Secret of Mana, les Dragon Quest, … – qui m’ont beaucoup influencé, mais également avec des mangas comme Dragon Ball ou Yu Yu Hakusho. Toutes ces influences sont réunies dans Shiness et j’espère avoir réussi à donner à l’univers une véritable identité.
– H.H. : T’as fait aussi long que moi ! (rires)
– Archaic : En effet ! (rires) Samir, c’est très bien que tu parles des jeux qui t’ont influencé : quels types de joueurs êtes-vous ?
– H.H. : Moi je suis un gros fan de RPG. Je joue certes aussi aux jeux plus orientés action ou stratégie mais j’ai réellement beaucoup d’affinité avec le RPG japonais. Mon premier jeu vidéo a été The Legend of Zelda sur Nes et après j’ai traversé les âges avec Secret of Mana et Final Fantasy. C’est resté et je pense que c’est pour ça que l’on fait maintenant un RPG.
– S.B. : Je suis assez retro dans les jeux vidéo : j’ai beaucoup aimé les RPG 2D, sur Super Nintendo. J’apprécie aussi les jeux de combat 2D comme King of Fighters ou Street Fighter, de façon un peu « gamer dans les caves » (rires). Sans oublier la série Sonic ! Du moins, surtout les anciens car j’ai été déçu par les derniers. En matière de RPG, il y a eu également Xenoblade, qui m’a transcendé. En un peu plus vieux, j’ai beaucoup aimé Skies of Arcadia.
– Archaic : Cela fait un moment que vous êtes sur le projet Shiness, en tant qu’amateurs, maintenant professionnels : à quel moment vous êtes-vous dit qu’il fallait devenir professionnels et fonder Enigami ?
– H.H. : Après deux ans de travail amateur, la région du Nord nous a offert la possibilité d’avoir des locaux. On avait certes tous une vie active mais c’était maintenant ou jamais pour finaliser ce que nous faisions. Tandis que nous voulions continuer le projet, nous avons repéré beaucoup de problèmes dus à notre façon de travailler, à distance. On a alors revu pas mal de choses : il y a alors eu plusieurs grosses itérations sur le projet. On a vraiment commencé à se professionnaliser en intégrant des locaux et en formant une véritable équipe sur place. Mais pour répondre précisément à ta question, en 2012, lorsque nous avons fait le Toulouse Game Show, le projet Shiness a tellement plu qu’on s’est alors dit qu’on ne pouvait plus rester comme ça et qu’il fallait faire quelque chose.
– S.B. : Ça a fait tilt dans ma tête quand quelqu’un est venu vers moi en me demandant « Quand est-ce qu’on peut l’acheter ? », alors que nous n’étions pas du tout dans une démarche commerciale à ce moment-là. On s’est alors dit que ce serait vraiment bien de le sortir vu qu’il y avait désormais une attente derrière.
– Archaic : Est-ce que ce n’est pas trop compliqué de monter une entreprise, un jeu et un manga, le tout en même temps ?
– H.H. : C’est un cauchemar ! (rires) Autant le manga et le jeu, ils se font en parallèle. Même si quand Samir travaille sur le jeu, il ne travaille pas sur le manga. C’est assez compliqué pour lui.
– S.B. : La narration dans le jeu vidéo n’est pas du tout la même que dans le manga. Ce n’est pas le même média donc ce n’est pas la même façon de raconter le scénario. Il faut lutter contre le sentiment de déjà vu quand on fait les deux en parallèle, ça aussi c’est très compliqué.
– H.H. : La création de l’entreprise est très compliquée, elle aussi. Il faut apprendre à basculer d’une phase technique ou créative à une phase administrative. Il faut alors réfléchir à un business model, aux marchés, aux clients, etc… Il faut commencer à penser finances. Une entreprise reste une entreprise, donc même si l’on est un studio de développement, on a besoin de réfléchir ainsi. C’est vrai que c’est compliqué de passer d’un extrême à l’autre. C’est peut-être le plus dur.
– S.B. : La difficulté est de prendre du recul sur ce qu’on fait pour analyser notre marché tout en se remettant en mode création lorsque l’on parle du jeu. On essaie de faire comme on peut mais ce n’est pas simple.
– Archaic : Aleksi Briclot de Dontnod nous disait lui aussi cela, il y a quelques mois car justement, l’équipe de Dontnod a créé Remember Me en même temps que le studio. Il nous disait que c’était très compliqué de switcher de l’un à l’autre.
– H.H. : Oui. On a appris beaucoup de choses au niveau de la communication, choses qui vont nous permettre d’avoir quelqu’un de dédié et de crédible. Il faut savoir qu’en ce moment, c’est nous qui faisons la comm’ : nous n’avons personne pour le faire. On a eu des gens mais on s’est rendu compte qu’il n’y a que nous pour en parler correctement. Même quelqu’un qui arriverait dans l’équipe, avec la meilleure volonté du monde, ne pourrait pas en parler avec la même passion que nous. Il faut quelqu’un qui aurait la même envie et le même investissement que nous pour le projet.