Stunfest 2018 : Galette-saucisse dans ta face !

Après s’être accordé une pause d’un an, le Stunfest revient, à Rennes, pour une édition 2018 toujours plus imposante. Le festival breton vise à “à montrer la diversité des cultures vidéoludiques sous toutes leurs formes”. Au-delà du communiqué de presse, il faut y voir un événement familial où les joueurs du monde entier se rencontrent au travers des allées de l’Esplanade Charles de Gaulle de Rennes, que ce soit pour rigoler ou pour s’affronter dans des tournois tout ce qu’il y a de plus officiels.

Dès notre arrivée sur place, l’ambiance y est bonne enfant. Deux queues, les prévoyants ayant acheté leur ticket en pré-vente et ceux qui arrivent les mains dans les poches, quelque soit le côté, les nombreux tee-shirts aux effigies de jeux vidéo ne trompent pas : les passionnés sont de sortie. Afin de faire oublier le petit vent matinal, l’animatrice, en rollers, débute un premier tri : “Comment est le beurre ?!”. “Salé !” répondit alors la quasi intégralité des festivaliers. “En effet, que ceux qui pensent que la réponse est Doux sortent de la file et rentrent chez eux”. Cette blague bon enfant, non contente de faire entendre les premiers rires de la journée, rappelle à quel point le festival aime rappeler ses origines et son implantation. Malgré un comité d’accueil avec vérification minutieuse des sacs, il faut signaler l’étonnante bonne ambiance communicative qui règne sur le festival. Que ce soit à l’entrée, les vigiles, les serveurs et tous les responsables de stands, l’intégralité du staff se veut chaleureux.

La cour extérieure en grande partie utilisée pour les repos gastronomiques à coup de galettes saucisses et de burgers frites abrite tout de même plusieurs dômes offrant des activités aussi diverses que du Taiko no Tatsujin ou un shoot’em up sur platine vinyle. Un stand de réparations/customisations de consoles (gratuites, évidemment pour plaire à la légalité) était présent, avec en tête d’affiche FFVIMan, as usual, qui proposait sa modification switchless de SNES, afin de dézoner la console et autoriser le 60Hz. Une modification qu’a accepté votre serviteur, sentant ses adaptateurs SNES fléchir au fil des ans. Un service impeccable. L’occasion, également, de voir un Chrono Trigger tourner sur SNES avec l’introduction de la version Playstation.

Arrivé dans le Liberté en lui-même, la salle apprêtée pour l’occasion, s’enchaînent les stands tous plus pointus les uns que les autres. A commencer par celui de Neogeofans, avec évidemment des Neo Geo, des slots MVS et des bornes d’arcade. En jeux, du Twinkle Star Sprites, du Puzzle Bobble, du King of Fighters, du Magical Drop III, du Metal Slug ou encore du Superside Kicks. Grâce à une association avec la boutique Le Coffre à Pixels, le stand a pu organiser quelques concours avec lots à la clé. Mention spéciale aux tenanciers du stand, très accessibles, à l’écoute, prêts à participer à quelques parties et à échanger sur les jeux et système d’arcade (salutations à Megaman, Quentin et Koalabear). Un peu plus loin, le stand le plus impressionnant pour les passionnés de vieilleries : celui de l’association Simm’s Club. Wondermega, Kits de développement Playstation 3 et PC-FX étaient, entre autres, réunies pour faire découvrir des consoles obscures voire inconnue du grand public, et de nombre de passionnés. Exploit : elles étaient toutes fonctionnelles. C’est ainsi qu’il était possible de jouer à Street Fighter IV sur une PS3 de développement avec des manettes Saturn. Expérience inédite et surtout insolite.

Le Stunfest est aussi l’occasion, encore plus que les années passées, de découvrir des jeux indépendants. Ainsi, se côtoyaient énormément de développeurs venus présenter leurs jeux récemment sortis ou en passe de l’être. Fans d’indés, le Stunfest vous attendait avec du Dead Cells, Healer’s Quest, Speedjail, Served ! A Gourmet Racer ou encore Gladiabots. Difficile (et inutile, soyons clairs) de tous les énumérer. Toutefois, deux titres nous ont particulièrement retenus.

Double Kick Heroes

Vous êtes dans un cadillac, avec vos potos, et vous êtes poursuivis par des hordes de zombies. Heureusement, vous êtes équipés mais pour vous débarrasser de vos poursuivants, il faudra appuyer sur les bons boutons au bon moment : non, pas de QTE, mais DKH est en réalité un jeu de rythme. Un seul timing mais selon le bouton pressé, ce sera le même personnage qui tirera, ce qui est déterminant puisque les zombies sont sur plusieurs lignes. Très vite, il faudra également gérer la position de la voiture selon la profondeur de champ. A la fois cool et instinctif, Double Kick Heroes monte vite qu’une certaine dextérité est requise pour progresser. Les simples premiers niveaux laissent vite place à des scènes bien plus intenses et des boss pas si simples à occire. Une charmante découverte, en early access sur Steam depuis le 11 avril (14,99€) et prévu plus tard au moins sur Nintendo Switch.

Stay Safe

Voici un véritable coup de coeur pour Stay Safe, un die and retry assez classique au premier abord mais qui révèle une mécanique de jeu véritablement addictive. Aux commandes d’un vaisseau, vous devez terminer le très court niveau. Cependant, entre vous et le téléporteur final, se situe un tracé sinueux, vicieux, aux nombreux obstacles. Il serait simple de les esquiver si le vaisseau n’allait pas aussi vite. D’autant que des challenges seront présents incitant les joueurs à maintenir le bouton de boost tout au long des niveaux. Car la maniabilité se veut évidemment simple pour coller à l’énorme sollicitation des réflexes : un bouton de boost et les gâchettes pour faire des tonneaux à gauche ou droite dont le timing nécessite très vite une parfaite maîtrise des tracés. L’attrait du jeu sera bien évidemment de réaliser les meilleurs scores parmi la quarantaine de niveaux. Hyper pointu, précis et donc exigeant, Stay Safe est sorti le 22 mai sur Steam (16,79€) et à la rentrée prochaine sur Switch.

En dehors des indépendants, le coeur du Stunfest, d’où son nom, tient dans les jeux de baston. Ainsi, si nous pouvions nous confronter à tout un tas d’adversaires aussi random que nous au travers des allées, il fallait aller plutôt vers les scènes pour découvrir les dernières confrontations des tournois. Street Fighter 2X, Street Fighter III.3, King of Fighters IV, Dragon Ball Fighterz (dont un match mémorable entre GO1 et NYChrisG avec invocation de Shenron), Street Fighter V, Tekken 7, et encore quelques autres, étaient présents, offrant chacun leur tour quelques mémorables matches finaux. Mais ils n’étaient pas seuls, Windjammers avait réussi à faire sa place au milieu de toute cette violence. Bien que le spectacle était un véritable régal et que les éternels transats étaient de sortie, il faut reconnaître qu’il n’était pas bien compliqué de trouver une place, même pour du Street Fighter III.3 ou 2X. Etonnant. Ceux qui voulaient attendre dans la salle tout en se dégourdissant les doigts pouvaient s’essayer à quelques bornes en hauteur, Crisis Zone et Crazy Taxy en tête de gondole.

Et si malgré tout cela, vous ne trouviez pas votre compte, il était possible de suivre tout un panel de conférences ou de superplays. Les premières traitaient de sujets très divers et faisaient intervenir des professionnels de tous horizons tels que FibreTigre ou Jehanne Rousseau (du studio Spiders, et que vous devez commencer à bien connaître si vous vous promenez sur Archaïc.fr). “Bande dessinées et Jeux vidéo : Convergences et différences”, “Culture européenne du jeu : quelle place entre le Japon et l’Amérique du Nord ?”, “La triche, une autre façon de jouer ?”, sont des exemples de sujets traités, de quoi se poser entre deux tournois à tension. Mention spéciale au speedrun de Sonic 3 & Knuckles, terminé en 53 minutes, en live, commenté par Synahel, une autre speedrunneuse aux précisions pointues et fort à propos.

Le Stunfest avait et a de quoi plaire au plus grand nombre tant son contenu élitiste est vulgarisé pour plaire à tout un chacun, en atteste la grande diversité d’âges croisés aux travers des allées. La taille du lieu et une affluence visiblement moindre qu’escomptée ont permis de rendre le festival extrêmement agréable aux visiteurs et faire diminuer de manière drastique le temps d’attente à chaque borne ou console. Le Stunfest est un ovni dans le paysage breton et la ville de Rennes mais où il règne cette ambiance si chère aux coeurs de nombreux joueurs, alliant à la fois la passion, la compétition et la franche camaraderie. Vivement l’année prochaine alors ? Malgré tout ce programme alléchant et les 12 000 visiteurs répartis sur les 4 jours, l’association 3 Hit Combo affiche un déficit de 70 000€ et une fréquentation en baisse de 30%. A travers un communiqué plutôt amère, l’association revient sur les conditions plus difficiles que par le passé pour attirer suffisamment de visiteurs – trop grand beau temps n’incitant pas à s’enfermer, d’autres festivals et conventions à la même date et surtout la fermeture de la gare de Rennes le week-end du festival. Sans compter que le manque de soutien par la région et le gouvernement sous prétexte que le Stunfest ne serait pas un festival culturel oblige l’association, si des fonds ne sont pas trouvés très vite, de licencier les rares salariés du Stunfest et oublier toute nouvelle édition.

Si vous appréciez le Stunfest ou espérez y aller un jour, nous ne pouvons donc que vous inciter à adhérer à l’association 3 Hit Combo, et ainsi soutenir cette belle équipe qui tente de démocratiser le jeu vidéo au travers de ses nombreuses initiatives. En parallèle, l’association a lancé une pétition pour accompagner sa demande de reconnaissance du jeu vidéo en tant qu’oeuvre culturelle. Faisons en sorte que le Stunfest 2019 puisse avoir lieu.