En parallèle des expositions et des conférences, les Utopiales proposent, comme chaque année, une compétition internationale où de nombreux films sont présentés, résultant après délibération du jury ainsi que sur le vote du public, sur une consécration qui on l’espère pourra pousser une meilleur diffusion ou simplement une publicité plus appuyée du gagnant. Pour cette édition 2022 nous ont attendu deux films d’animation, un drame, une comédie, et enfin deux pellicules estampillées « action », avec globalement, mine de rien, une qualité particulièrement au rendez-vous par rapport aux éditions précédentes. Et pour une fois, nous avons tout vu !
Shin Ultraman
Alors que la menace de gigantesques monstres non identifiés connus sous le nom d’espèces de classe S s’aggrave au Japon et que le gouvernement met en place un plan urgent de défense, un géant argenté apparaît au-delà de l’atmosphère terrestre.
Avis de Vidok
Shin Ultraman, en premier titre de la compétition internationale. Difficile de rêver mieux. Au travers d’extraits de films de kaiju, le film de Shinji Higuchi nous met directement dans l’ambiance. Des immeubles qui tombent, des mecs en costume de monstres, ça sentait bon. Et puis les effets spéciaux prennent le relais… avec honneur. La première confrontation rassure. Alliant kitsch et modernité, Shin Ultraman réussit sans souci à plaire en 2022. Pourtant, avant de retrouver sa superbe sur la fin, il perd tout son attrait pendant une bonne heure (sur 112 minutes). La raison : énormément de dialogues. Le long-métrage se perd en discussions, en tentant même d’expliquer les calculs factices des scientifiques. Peut-être faut-il y voir l’envie de cohérence de Hideaki Anno (Evangelion), ici au scénario. On y retrouve cependant ses obsessions pour les relations humaines et que l’ennemi n’est pas tant le monstre géant qui attaque la race humaine que la race humaine elle-même. Le scénariste a aussi dû composer avec les codes de Ultraman, en tentant de le rendre accessible aux néophytes sans non plus assommer les fans. Le juste milieu était difficile à trouver, et il faut reconnaître qu’il n’y est pas forcément parvenu. Le film tente toutefois, régulièrement, l’auto-dérision et l’humour, qui ne fait pas non plus toujours mouche. Shin Ultraman reste un joli divertissement, mais préparez-vous à vous confronter à de sacrées longueurs.
Avis de Mizakido
J’attendais avec une certaine impatience deux séances durant cette édition des Utopiales, et Shin Ultraman était la première. Second opus du projet « Shin Japan Heroes Universe », écrits et réalisés par Hideaki « Evangelion » Anno et son compère storyboarder Shinji Higuchi, le film est dans la continuité de Shin Godzilla, avec la volonté de dépoussiérer la célèbre franchise de tokusatsu. Les premières minutes du sont enthousiasmantes et franchement, un vrai régal. Pensez-vous ! Un géant en costume moulant qui tape des kaijūs, proposés avec des visuels modernisés tout en restant délicieusement cheap, des cascades hilarantes et une bande-son très très années 60 ! Malheureusement, le soufflé retombe rapidement : si l’œuvre propose non seulement une équipe de personnages attachants, de méchants plutôt charismatiques et une intrigue mêlant humour, romance et tout un tas de retournements de situation, le tout est littéralement noyé sous une tonne de dialogues pas toujours pertinents, ceux-ci s’attardant très souvent sur des éléments scénaristiques dont nous n’avons pas besoin ou qui ne font qu’expliquer ce que nous voyons nous mêmes à l’écran, et résumant ce qu’on avait déjà compris depuis longtemps. Résultat : de la baston terrible en début de pellicule, un vortex nous attirant de plus en plus vers l’ennui au milieu avec sa mise en scène morne, et ce malgré quelques surprises ici et là, mais sans aucune scène d’action, avant qu’arrive enfin une bataille finale très réussie mais qui arrive bien trop tard pour sauver les meubles. Quel dommage ! En tout cas, il me tarde de voir ce que donnera Shin Kamen Rider, troisième projet de cette série de reboots, prévu pour 2023.
The Antares Paradox
Alexandra vient de recevoir ce qui pourrait être un signal d’une autre civilisation. Elle lance le processus de vérification critique lorsque sa sœur appelle avec de très mauvaises nouvelles familiales. Enfermée dans un observatoire astronomique, elle sera contrainte de choisir comment passer les prochains instants : affronter le drame familial ou tenter d’apporter une réponse à l’une des questions les plus importantes de l’humanité.
Avis de Vidok
Il s’agit d’un premier film. Par conséquent, le réalisateur, Luis Tinoco, jusque-là cantonné aux effets spéciaux, décide de partir dans une direction radicalement différente, en présentant un huis-clos. The Antares Paradox prend place dans un observatoire. La quasi-intégralité de l’histoire s’y déroule, seuls deux plans nous dévoilent deux autres pièces. La caméra se focalise sur l’héroïne, Alexandra, scientifique, qui observe les signaux en provenance de l’espace. Elle est persuadée que la découverte d’un message extraterrestre bouleverserait bénéfiquement notre civilisation. Et ce message semble arriver. Elle doit toutefois lancer sa vérification, au travers d’un protocole très rigoureux. Malheureusement, sa famille a besoin d’elle, son père est mourant. Ce dilemme est fabuleusement bien mené. Andréa Trepa sait être bouleversante en scientifique passionnée, et responsable. Chacun peut d’ailleurs prendre, ou non, parti pour le personnage. The Antares Paradox a pour lui d’être, finalement, quasi en temps réel, ce qui nous amène à vivre toutes les péripéties avec son héroïne. Les événements hors observatoire nous sont contés soit au travers de vidéos ou de coups de fil. Le rythme s’accélère pour atteindre une tension qui aurait mérité une meilleure fin. Les 95 minutes du film s’effondrent sur un final incohérent avec la route prise précédemment. Malheureusement, cette sensation amère reste et s’assoit dans nos mémoires à la place du sentiment haletant ressenti jusque-là. Quel dommage.
Avis de Margoth
Me voici dans mon entame de périple cinématographique avec The Antares Paradox. Duquel j’ai jeté mon dévolu uniquement par hasard, inspirée par le nom et l’affiche sans forcément m’être attardée sur le synopsis plus que cela. C’est qu’à un moment, il faille savoir prendre des risques. La petite présentation introductive a su semer le doute : un film fait par une équipe de gens spécialisés dans les effets spéciaux, on sent comme un gros problème se profiler… Et pourtant, la surprise sera de taille ! Non, nous ne serons pas dans un délire Michael Bay de l’espace. The Antares Paradox se révèle être un huit-clos plutôt terre-à-terre, dénué quasi-totalement de FXs. Nous suivons l’histoire d’une scientifique spécialisée dans la recherche de vie extraterrestre au sein d’une université madrilène, vivant certainement la pire nuit de sa vie dans son petit laboratoire de recherche. Alors qu’il s’avère qu’elle capte un signal prouvant une forme de vie inconnue aux confins d’Antares, s’avérant au fil des vérifications d’usage réel, le karma frappe afin de rendre cette découverte déterminante qu’elle a attendu depuis sa plus tendre enfance autrement moins enthousiasmante que prévue. Tout un tas d’embûches vient rythmer l’examen des origines de cet étrange signal, entre conditions météorologiques catastrophiques, manque de soutien évident – aussi bien financier que de considération – de ses confrères et hiérarchie et savoir son père en train de rendre son dernier souffle. Le film souffre d’un grave souci de développement du processus de vérification où l’héroïne le mène de la manière la plus illogique (tout en brassant énormément d’air). La finalité laisse également pantois de la voir ainsi se décider à faire passer sa vie avant son travail en laissant toutes les données s’effacer alors qu’elle n’avait qu’un bouton à appuyer en tendant le bras après avoir pourtant pris toutes les décisions les plus excessives afin de parvenir à sa confirmation de signal. Et pourtant, par-delà de ces mauvais aspects assez fondamentaux, The Antares Paradox a aussi ses bons côtés afin que le jugement soit plus clément. Le film parvient plutôt bien en effet à maîtriser son rythme en plus d’être très bien interprété. Plutôt lent certes mais toujours porteur d’une certaine accroche et tension qui fonctionne fort bien dans le cadre de la stricte découverte. Sympathique à voir une fois mais clairement pas assez solide pour donner envie de le revoir.
Avis de Mizakido
Davantage un drame qu’un film de science-fiction, The Antares Paradox (référence à celui de Fermi ?) part d’une excellente base scénaristique, à savoir comment Alexandra,une scientifique espagnole bossant pour le SETI, va se sortir du dilemme qui l’accable : rejoindre sa famille en difficulté ou révolutionner à jamais l’histoire de l’humanité. La variable de cette équation ? Le “peut-être”, implacable, indescriptible, qui changera dans un cas comme dans l’autre la vie de notre protagoniste en détresse. Ce qui aurait pu être un huis clos efficace est ici quelque peu gâché par une intrigue quelque peu poussive où tout un tas d’évènements semble se léguer au même moment contre Alexandra, qui affronte, en plus d’un drame familial, des collègues peu investis et antipathiques, un mauvais temps cataclysmique et un projet SETI montré ici comme une organisation défaillante, coûtant cher au contribuable et limite targué d’inutile. Très encourageant ! Passé la première moitié du film à vraiment s’investir dans l’histoire, on se prend ensuite à se demander quelle nouvelle tuile va encore tomber pour lui ruiner sa soirée mouvementée, en balançant intérieurement des “ah bah voilà autre chose”, et sur la fin, en pestant contre certains raccourcis et comportements illogiques visant à certes faire avancer le scénario, mais pas vraiment à le rendre cohérent. Je me souviens même plus du dénouement, c’est dire comment j’ai été un peu perdu sur les dernières minutes. Bref, le film le moins convaincant de la compétition, mais pas un désastre non plus. On a vu, bien, bien pire.
Maurice le Chat Fabuleux
Maurice, un chat des rues débrouillard, a une idée d’arnaque géniale pour gagner de l’argent. Il trouve un adolescent idiot qui joue de la flûte et qui possède une horde de rats alphabètes. Quand Maurice, le joueur de flûte et les rats atteignent la ville sinistrée de Bad Blintz, ils ne vont pas tarder à découvrir que quelque chose de très grave les attend dans les caves de la cité…
Avis de Vidok
Maurice a su déplacer les foules. Pensez donc, avant-première mondiale. Mais il faut dire qu’une adaptation d’un roman de Terry Pratchett est toujours un petit événement. D’après l’oeuvre Le Fabuleux Maurice et ses rongeurs savants, le long-métrage de Toby Genkel (Yakari, le film, Le Voyage de Ricky) et Florian Westermann (Léo et les extra-terrestres) se permet une élégance savoureuse. De prime abord, les enfants sont ravis. Film d’animation de qualité, The Amazing Maurice (titre anglais) offre une 3D de bonne facture où les héros sont bel et bien les animaux. Le niveau de détails des modèles ne trompe pas. On se surprend à se prendre d’affection pour tous ces rats qui, de prime abord, se ressemblent, mais dont la personnalité bien trempée permet de clairement de suivre. Le film enchaîne les gags et la morale de l’histoire saura plaire aux parents. Mais pas seulement : Le Fabuleux Maurice sait également distiller des dialogues plus matures que seuls les adultes sauront comprendre comme il faut. Notons, entre autres, une succulente explication de l’intérêt des politiciens dans le premier quart. Les personnages, notamment le personnage de Malicia, n’hésite pas à casser le quatrième mur à plusieurs reprises, nous rendant complice de cette aventure étonnante. Enfin, les fans de Pratchett apprécieront les multiples clins d’œil aux annales du Disque-Monde. Le Fabuleux Maurice est un bonheur de tous les instants, amusant, subtil par instants et suffisamment animé pour ne jamais nous ennuyer durant l’heure et demie de projection. Le prix Utopiales du public 2022 est en effet une belle réussite, supportée, qui plus est, par des doubleurs de qualité tels que Hugh Laurie en Maurice ou Emilia Clarke en Malicia, pour la version originale du moins. Espérons que la version française saura attirer autant de talents.
The Witch : Part 2. The Other One
Suite à un massacre, une jeune fille se réveille dans un laboratoire secret, s’en échappe, et rencontre Kyung-hee, qui tente de la protéger d’un gang. Lorsque le gang retrouve la fille, un pouvoir inattendu se réveille alors.
Avis de Vidok
Nous avions déjà connu des plaisirs coupables lors des précédentes Utopiales. Prisoners of the Ghostland, Signal 100 ou encore Assassination Nation, des jeux de massacre, parfois délirants, parfois effrayants, mais toujours jouissifs. Surtout après une longue journée de festival. En 2022, The Witch part.2 prend le relais. Il s’appuie complètement sur les événements du premier volet – sorti de manière assez confidentielle en 2018 – mais il n’est pas indispensable de l’avoir vu pour comprendre cette seconde partie. Nous suivons Arche 1, une jeune fille aux pouvoirs incommensurables, perdue. Elle va se nouer d’amitié avec une famille. Malheureusement, tout ce beau monde va se retrouver pris pour cibles par différents groupes. Le réalisateur coréen Park Hoon-jung (The Unjust, The New World) et ses scénaristes ont souhaité maintenir une certaine mythologie, initiée dans le premier volet, tout en évitant de perdre les nouveaux venus. En ressortent énormément d’informations à ingurgiter, et beaucoup de personnages. Mais quand arrivent les affrontements, tout le sel de The Witch apparaît. Coups surpuissants, sauts vertigineux, blessures qui se referment, protagonistes quasi immortels, le tout encadré par un montage dynamique et lisible. Ce n’est pas si courant. The Witch Part.2 se suit pour ses castagnes, plus que pour son jeu d’acteur. La partie 3 est “teasée” en toute fin. Jubilatoire mais tout de même assez basique sur certains pans de scénario. A voir pour le spectacle.
Avis de Margoth
S’il m’arrive de m’intéresser au cinéma japonais, j’avoue m’être beaucoup moins penchée sur ce que pouvait bien produire les Coréens. Encore moins dans ce qui se fait ces dernières années où le pays semble donner des moyens conséquents à son pan culturel. The Witch Part. 2 qui, heureusement, n’a pas besoin d’avoir connu son prédécesseur pour être compris, est une bonne illustration que la Corée du Sud sait mettre les moyens pour se forger une identité culturelle assez forte et tout sauf cheapos afin de pouvoir s’affirmer vers l’international. Si le titre pouvait laisser planer des ambiances horrifiques, on se retrouve finalement face à une sorte de déclaration de défi envers Hollywood et ses méga-productions de super-héros. « Il n’y a pas que vous qui pouvez faire ça, en Corée du Sud aussi, on peut en faire autant » pourrait-on presque ressentir. Après, évidemment, il n’y a aucune chance que les Américains tremblent d’une telle concurrence tellement mais il s’avère que The Witch Part. 2 se révèle être une excellente initiation à l’alternative coréenne qui mérite de s’exporter. Cette dernière à tout pour plaire à un certain public. Notamment tout ceux qui n’en peuvent littéralement plus du côté bling bling, lisse et hyper calibré des grosses productions hollywoodiennes qui ont préféré s’orienter vers la série B corrosive et/ou scène indépendante plus ou moins d’auteur. J’avoue en faire pleinement partie. The Witch Part. 2 a été un vrai plaisir pas forcément coupable de voir un aspect grand spectacle qui en fout plein les mirettes dans ses phases d’action mais qui outrepasse la limite du convenu du Hollywood grand public. Dans ces bastons d’adolescents aux super-pouvoirs, on ressent totalement le côté décomplexé de la violence comme on pouvait le voir chez les Japonais de Battle Royale, d’autant plus survitaminé par des impacts sciemment exagérés, êtres hors du commun oblige. Car ici, on n’est pas dans l’hypocrisie du non léthal : ça tape, ça blesse avec beaucoup d’hémoglobine et ça tue. Autant des méchants que des innocents sans pouvoirs. En cela, les premiers moments et surtout la dernière quarantaine de minutes sont jubilatoires. C’est principalement ça que l’on retiendra d’ailleurs. Entre temps, nous avons le droit à un gouffre plutôt lent et calme, rythme typiquement asiatique, qui en rebutera plus d’un. Un gros passage à vide qui n’est pourtant pas si inintéressant avec ses petits moments légers jouant sur le drôle et le touchant d’une héroïne surpuissante dotée d’une naïveté de gamine kawai certes peu originaux mais qui font mouche. En revanche, là où on sera moins clément, c’est de ne pas utiliser ce passage à vide pour s’attarder davantage sur le lore. Qui existe réellement et pourrait avoir de l’intérêt mais en l’état demeure bien bordélique. Des réponses dans la prochaine partie ? Car clairement, vu le final, nul doute que The Witch rempilera encore.
Avis de Mizakido
La seconde partie de la série The Witch a de quoi intriguer du fait de son énorme carton au box-office sud-coréen cette année, au point d’avoir été choisi par l’organisation des Utopiales et présenté un dimanche soir aux heures préférées de la série Z, sans même que la première partie fût vraiment diffusée en France (dans quelques très rares salles, à priori). Mais rien de grave cela dit pour apprécier ce n’est pas un film d’horreur comment on aurait pu s’attendre, mais bien un film d’action ultra-violent, avec une mise en scène musclée, des super-pouvoirs à tout va et pas mal d’hémoglobine à l’écran. L’intrigue, et ce même si elle prend directement la suite du précédent opus, se suit plutôt bien, et contrairement à un certain Shin Ultraman vu la veille, prend moins son temps à faire des chichis : tout est juste là pour juste faire la transition entre différents affrontements bien pétés et bourrés d’humour, avec des cascades et effets-spéciaux pas toujours réussis, mais qui ont du punch. Malgré quelques longueurs, la séance propose le casting de choix, quelques personnages marquants et une réalisation (à l’américaine) efficace. Dommage qu’avec la fatigue, j’ai vraiment eu du mal à analyser tout ce qui se passait à l’écran, même si j’ai quand même eu souvenir que le sang était pas mal présent, et qu’une suite serait visiblement envisagée… Une saga qui aurait le mérite d’être davantage distribuée en tout cas.
Viking
Une équipe de recherche comportementale tente de reproduire les expériences de la première mission habitée vers Mars. Seulement rien ne se passe comme prévu. Mais peut-on prévoir l’imprévisible…
Avis de Vidok
Le grand prix du jury 2022. N’ayant pu le voir en première séance, curieux, je me suis présenté à la seconde. L’accent canadien choque quelque peu au départ, et puis on s’y habitue très vite. D’autant que les dialogues viennent très rapidement nous chatouiller. Avec son humour pince sans rire, Viking s’offre des trésors de situations cocasses, à la fois absurdes et crédibles que nous nous prenons très vite d’affection pour ces cinq astronautes par procuration. Censés être des sosies psychologiques des astronautes américains actuellement en expédition sur Mars, les cinq héros, malgré eux, tentent de respecter au maximum leurs rôles. Ils tentent de vivre une aventure exceptionnelle. Ils tentent d’être des astronautes à la place des astronautes, enfermés dans un baraquement en plein désert. Le film de Stéphane Lafleur (Tu dors Nicole, En Terrains connus) réussit à allier humour et pathétique avec une finesse peu commune. Ne vivez pas d’aventure par procuration et sachez voir ce que vous possédez aurait pu être un message moralisateur abrutissant mais, il est laissé en filigrane, sans jamais prendre le pas sur le récit. Ceci est dû à des dialogues précis, et à un jeu d’acteur impeccable. Mention spéciale à Fabiola N. Aladin (Janet) et Steve Laplante (David), tous deux exceptionnels dans leurs rôles, certes, mais aussi dans leur face-à-face pour la direction de l’opération. Sous ses allures de film de science-fiction fauché, Viking se révèle être un bijou d’humour.
Avis de Mizakido
En voilà une belle surprise. Je me donne comme règle de ne pas lire les synopsis des films de la compétition vu que de toute manière, je vais sans doute voir le faire, et pour Viking, j’ai bien fait. Derrière ce nom qui pourrait faire penser à une énième œuvre parlant du peuple ancien se cache en fait une comédie québécoise, référence directe au programme Viking. Reprenant le concept réel d’avoir le même équipement que celui envoyé en mission dans l’espace afin de trouver une solution en bas de ce qui pose problème en haut, il est ici appliqué aux hommes d’équipages de ces dites missions. Le résultat, on s’en doute, n’est pas au rendez-vous, et c’est tout un tas de situations décalées qui propulseront ce qui s’avère être une hilarante comédie d’une rare efficacité. Les personnages sont terriblement drôles, les quiproquos terribles de drôlerie et les répliques très cinglantes ou terriblement cyniques fusent à tout va. Et en plus, ce n’est pas comme si tout cela était dénué de tout sens dramatique ou quelque peu sociologique pour ce qui attendra une réelle mission vers Mars, avec toutes ses personnalités opposées qui vont devoir se supporter pendant des jours et des jours. Sur cet aspect, Viking sait parfois être un peu sérieux et apporter quelques moments assez touchants, ce qui est tout de même remarquable. Le film se paye même l’audace de proposer une photographie fort agréable à l’œil, avec des plans très travaillés et une colorimétrie très marquante qui font parfois penser (un peu) à du Nolan ou du Villeneuve. Et c’est encore une fois une comédie ! Bref, encore une fois, voilà une excellente surprise que je vais ranger aux côtés des films de Jaoui et Bacri en termes de « rire fin », grande gagnante de la compétition du côté du jury, qui j’espère de tout cœur sera diffusée en France de manière moins confidentielle !
Unicorn Wars
Comme chacun le sait, c’est une vérité écrite dans le grand livre sacré : au royaume des petits ours, l’ennemi a toujours été la licorne. Célestin a été élevé dans cette idée : il a soif de sang. Quant à Dodu, il préfère les câlins. Quittant le camp d’entraînement, ces deux frères, accompagnés des recrues inexpérimentées de leur unité commando, s’apprêtent à livrer bataille.
Avis de Vidok
Vous rappelez-vous de Psiconautas ? Un film d’animation espagnol d’Alberto Vasquèz que l’ami Mizakido avait beaucoup apprécié en 2016. Eh bien, il récidive avec Unicorn Wars. Un film dans lequel il a décidé d’opposer des nounours à des licornes. Évidemment, l’ambiance crue et dure de Psiconautas ne disparaît pas ici : le sergent gros câlin lance des insultes à tout va, tandis que les licornes empalent sans souci le premier ourson qui déboule. Le réalisateur ne se prive de rien, du sang, des boyaux, des membres coupés, mais aussi des zizis d’oursons ou encore des relations incestueuses. Le spectateur n’est nullement ménagé. Le décalage des genres est déstabilisant mais agréable. Rafraîchissant même, d’autant qu’Unicorn Wars est magnifique. Le dessin n’a rien d’exceptionnel mais les couleurs utilisées offrent des ambiances, selon le camp que l’on nous montre, assez uniques. Le film a toutefois du mal à trouver son rythme. Il se perd dans les flashbacks, échanges sans intérêt ou rappels inutiles. Son message paraît, aussi, parfois, un peu trop martelé. Les propos difficiles et les scènes gores ne lui ont pas octroyé plus d’une interdiction aux moins de 12 ans en France. Étonnant. Unicorn Wars reste une curiosité, mais attention, une fois l’effet de surprise passé, le soufflet retombe malheureusement dès la moitié du parcours.
Avis de Margoth
En sortie de salle, le cas d’Unicorn Wars m’a profondément embêtée. Pas que le moment passé était désagréable mais il y avait malgré tout un tas de choses qui me laissaient un avis plutôt mitigé et déçu sans que je n’arrive à déterminer si c’est l’œuvre en elle-même ou mes attentes qui n’avaient pas été assouvies. Après un peu de recul, peut-être y a-t-il un peu des deux. Car on nous vend un film d’animation qui met en scène une guerre sanglante entre des licornes et nounours tous plus choupis les uns que les autres. Difficile de ne pas penser à Happy Tree Friends dont je suis grande fan. Autant dire que j’y allais d’un pas tout guilleret, heureuse de voir l’un des symboles mignon girly par excellence que j’ai toujours détesté depuis ma tendre enfance, à savoir My Little Pony, se faire mettre à sac dans une boucherie insensée et totalement gratuite… Ce que l’on n’aura finalement pas complètement. Car s’il y a bien des moments de guéguerre sanguinaire, ils interviennent assez tardivement et laissent clairement sur sa faim. En attendant, on met le focus beaucoup trop longuement sur les nounours et leur vie en régiment tel du Full Metal Jacket en balançant ça et là des petits moments loufoques et trash, entre langage fleuri, zigounettes et autres relations incestueuses malsaines. Et surtout, on joue sur le psychologique et critiques trop grossièrement déguisées de thématiques sérieuses comme la religion, le respect de la nature ou encore le fait d’éviter de trop montrer ses préférences envers l’un de ses enfants au détriment d’un autre. Dans ma logique, pour avoir un résultat aussi concluant qu’ « harmonieux » :soit on fait dans la subtilité sur la violence ET l’argumentaire, soit on va au bout du délire de boucherie pour se conformer au côté franco des thématiques critiquées abordées à la manière d’un South Park. Au final, difficile de percevoir où Unicorn Wars veut se placer avec un tel déséquilibre. Sur le papier, c’était donc prometteur. Dans les faits, on en ressort comme avec un regret de « peut mieux faire ».
Avis de Mizakido
J’avais découvert durant les Utopiales de 2016 le travail plutôt singulier d’Alberto Vázquez avec la diffusion de son court-métrage Decorado et son film Psiconautas, et ce contre-pied proposant un visuel aux apparences mignonnes avec des sujets particulièrement sombres m’avait franchement convaincu. Alors on peut dire que la projection d’Unicorn Wars faisait partie – avec Shin UItraman – de mes priorités indiscutables pour cette édition de 2022 du festival ! Cette fois-ci, avec pour cette version longue de son court Sangre De Unicornio, j’étais prêt mentalement, et je n’ai pas franchement été déçu. Sorte de crossover entre Apocalypse Now, les Happy Tree Friends, et Full Metal Jacket, le film ne s’attarde pas à ménager les spectateurs (auparavant prévenus), le réalisateur ne prend toujours pas de pincettes pour présenter ce qui s’apparente à un dessin animé tout charmant avant de le transformer (après quoi, 5 minutes ?) en une boucherie sans nom où des Bisounours partent en guerre contre des licornes, avec au menu de la grossièreté et autres blasphèmes, de la nudité et surtout beaucoup de violence et de gore. C’est très cru, plein de dialogues hilarants (« Une bonne licorne est une licorne morte ! »), souvent psychédélique, toujours très sanglant, et surtout un gros bordel bien trash et cash. Les critiques sont claires, avec pour cible l’endoctrinement militaire et religieux pour des causes aux finalités nébuleuses. On aurait peut-être aimé un peu plus de clarté quant à la fin du film, un peu trop spatiale par rapport au reste, mais on ne pourra que saluer la réalisation, superbe au demeurant, prouvant que l’animation traditionnelle européenne est loin d’être morte face au rouleau compresseur Disney et la place parfois assez assommante de la 3D. La version française – le film étant doublé originalement en espagnol – est de fort belle facture, et se gêne évidemment pour balancer des grossièretés et autres beaux mots.